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Faut-il automatiser le merchandising d’un site e-commerce ?

Lorsque je travaillais à Auchan comme chef de rayon, voici le genre de questions existentielles que je me posais :

  • Quel produit vais-je mettre en tête de gondole ?
  • Lequel mettre en avant à hauteur des yeux en linéaire ?
  • Quel produit exposer dans la vitrine ?
  • Quel produit proposer au client en vente complémentaire ?

J’ai subi certains plans DAO imaginés par la centrale destinés à optimiser les ventes et qu’il fallait respecter à la lettre. Je ne vous cache pas que j’étais le 1er à tout casser pour adapter le linéaire en fonction de MES ventes et donc des attentes de MES clients 🙂

Lorsque je suis arrivé dans l’équipe web de laRedoute.fr, plusieurs « merchandisers » effectuaient un travail d’optimisation manuel. Grâce à des outils dans le back office, ils plaçaient les têtes de gondole, montaient et descendaient les produits dans les pages listes en fonction de différents critères plus ou moins arbitraires (disponibilité, marque, prix, esthétisme de la page, association de hauts et bas en lingerie, …). Seuls les niveaux d’arborescence principaux étaient travaillés régulièrement.

Comparé à ma précédente expérience sur le site 3suisses.fr où les produits les plus cliqués étaient automatiquement placés en tête (le merchandising a évolué depuis j’espère), le merchandising me semblait beaucoup plus élaboré et abouti mais poussif et chronophage.

Autre exemple concret sur laRedoute.fr, les produits associés dans les fiches produits étaient paramétrés à la main par les acheteurs en début de saison (NB = une saison dure 6 mois à la Redoute). Résultat, au bout de quelques mois, les produits associés étaient épuisés. Les fiches produits qui n’étaient pas actualisées se retrouvaient vidées de leur potentiel de ventes additionnelles. Au pire, un stagiaire (je n’ai rien contre les stagiaires : j’en cherche un) qui n’y connaissait pas grand chose aux produits effectuait le travail d’association mais au final, l’offre proposée ne correspondait pas aux souhaits des clients.

Je me suis vite rendu compte que ce n’était pas viable. Ma conviction est que tout ce qui est manuel est voué à l’échec sur un site tel que celui de laRedoute.fr ou 3suisses.fr. Il faut automatiser le merchandising par défaut et agir manuellement par exception afin de proposer en permanence le bon produit au bon moment au bon client dans le but d’améliorer votre taux de conversion.

Voici les différentes étapes à suivre si vous souhaitez automatiser votre merchandising :

1. définir l’objectif d’automatisation de votre merchandising, le coût et le ROI attendu
2. fixer les indicateurs de performance d’un produit et leur rythme de mise à jour
3. déterminer les différents lieux où on souhaite automatiser le merchandising
4. établir les différentes matrices et règles de ranking nécessaires en fonction de la typologie de produit et du lieu où il se trouve
5. choisir vos outils de merchandising
6. étape ultime :
– déterminer vos différentes typologies de clients / segmenter
– détecter les différents segments afin d’adapter le merchandising proposé (targeting)

Je vous laisse découvrir chaque étape dans la suite 🙂



1 – Quel est l’objectif de l’automatisation du merchandising ?

Si vous souhaitez proposer en permanence les bons produits au bon endroit au bon client afin d’améliorer votre taux de transformation, il va falloir impérativement automatiser votre merchandising. Si tel n’est pas votre objectif, vous pouvez arrêter ici la lecture de cet article.

Mais est-ce vraiment indispensable d’automatiser votre merchandising ?
Quelle est votre volumétrie de produits ?

Si vous n’avez qu’une page de chaussettes au même prix comme l’excellent site Archiduchesse, il n’est pas vital d’investir dans ce type de solution.

Si j’ai besoin de mettre à jour mon merchandising fréquemment,

  • ai-je besoin de 5 personnes à plein temps pour faire le travail manuellement ?
  • est-ce que j’investi dans une solution externe ?
  • est-ce que je développe un outil en interne ?

Je continue cet article sur la base d’un puissant site e-commerce qui dispose d’une forte volumétrie de produits.

2 – Quels sont les indicateurs de performance d’un produit ?

  • son prix
  • sa disponibilité
  • son taux de transformation
  • le volume de ses ventes en volume d’€
  • en quantité
  • sa marge en € : (il faut bien gagner sa vie)
  • sa marge en taux
  • son coefficient de rotation
  • sa date de mise en ligne / sa fraîcheur (nouveauté)
  • sa marque
  • sa note suite aux votes des internautes

A quel rythme faut-il mettre à jour les données ?

Tout va dépendre du trafic et du volume de commandes quotidiennes mais aussi de l’indicateur.
Si il est fortement recommandé de mettre à jour son stock en temps réel, le volume de vente peut être actualisé hebdomadairement.
Globalement, mis à part pendant les pics d’activités forts tels que les soldes ou Noël, le refresh des données peut se faire chaque nuit.

Si votre site est très populaire, il est vivement conseillé de se doter d’outils de publication en temps réel. Vous avez sûrement en tête la fameuse TV des 3suisses qui a dû être proposée en homepage, en tête de gondole et sur toutes les bannières de pub externes pendant tout le week-end alors qu’il n’y avait que quelques pièces en stock vendues en 5 minutes.

Comment récupérer les données, les structurer et les harmoniser ?

Une étape préalable primordiale est la récupération des informations statistiques de votre site via un outil de tracking. Pour récupérer le taux de transformation au produit, encore faut-il être capable de le calculer. Ensuite, une fois les critères sélectionnés, il va falloir les récupérer les données et les structurer. Elles se trouvent potentiellement dans des outils de reporting différents et non liés ente eux.

Enfin, il faut les harmoniser, les rendre chiffrables. Exemple : la nouveauté. Il sera ainsi difficile de mettre dans une formule savante la date de mise en ligne d’un produit. Il faudra convertir cette information et calculer par exemple en nombre de jour comparé à la date du jour.

3 – les différents lieux où il faut automatiser son merchandising ?

Voici les différents lieux potentiels où des stratégies automatisées de merchandising peuvent être déployées :

  • le push produit en homepage
  • le merchandising en page liste/en rayon : la tête de gondole et l’ordre des produits affichés (ranking)
  • le cross selling dans la fiche produit et le layer de mise au panier
  • le cross selling dans le panier
  • le moteur de recherche interne
  • l’email de confirmation de commande
  • la page d’erreur 404

Il y en a certainement d’autres mais ce sont à mes yeux les principaux …

4 – les différentes matrices et règles de ranking

Chaque stratégie doit répondre à un objectif business.

Voici quelques exemples d’objectifs à atteindre :

  • je veux maximiser mon volume de chiffre d’affaires en volume d’€
  • je veux maximiser mes ventes en quantités pour amortir mes frais fixes
  • je veux maximiser ma marge et ma rentabilité globale
  • je veux mettre en avant mes petits prix pour améliorer mon image prix
  • je veux sur exposer mes nouveautés
  • je veux mettre en avant une marque spécifique suite à des accords commerciaux
  • je veux proposer les produits les plus populaires et les mieux notés par les clients
  • je veux mettre en avant les produits qui ont le plus fort taux de transformation

Il ne faut pas oublier que les 2 facteurs clés d’achat sur internet sont le PRIX et la DISPONIBILITE. Mettez quoiqu’il arrive les produits les plus disponibles devant (en haut de la 1ère page) !

Ma recommandation est de baser la stratégie de merchandising au maximum sur le taux de transformation du produit.
Si le produit transforme, c’est qu’il se vend bien comparé à son taux d’exposition. Il est donc forcement au bon prix et disponible. Un produit peu visible mais qui transforme bien page 4 sera ainsi rapidement remonté dans les premières pages. Une fois mieux mis en avant, il se peut que son taux de transformation baisse légèrement. Il repartira alors dans les pages suivantes. On arrive ainsi à un équilibre parfait, naturel et automatique. Reste à savoir si les produits qui transforment répondent à vos objectifs commerciaux…

On peut ensuite imaginer des stratégies beaucoup plus élaborées et complexes qui permettent de mettre en avant les produits les plus disponibles, margés, à forte transformation et qui sont moins chers que vos concurrents directs. Le rêve !

5 – Choisir vos outils d’automatisation

Quels sont les outils disponibles ?

Il existe sur le marché des outils très puissants qui permettent de calculer quotidiennement les meilleurs combinaisons pour les produits associés par exemple. Je ne vais citer que ceux que je connais et que j’ai personnellement paramétré.

Avail : permet l’étude des comportements d’achat. Analyse des paniers finalisés pour proposer en permanence les articles que d’autres ont également acheté.
Endeca : permet d’appliquer des stratégies de merchandising différentes en fonction du lieu où on se trouve
Critéo : très efficace sur la recommandation des derniers articles vus. Idéal pour les bannières de pub externe.
Excel : sans déconner, il permet de créer des matrices de ranking des produits et de calculer le rangs des produits en fonction des stratégies à appliquer.
– Je pense que d’autres prestataires se manifesteront dans les commentaires…

Ensuite, la clé de succès pour éviter de laisser vos convictions (ou celles de votre patron) vont amener vers une mauvaise règle de merchandising, c’est de pouvoir tester et mesurer en A/B différentes stratégies de merchandising afin de détecter quelle est celle qui répond le mieux à votre objectif. Vous aurez peut-être la surprise de découvrir que la stratégie la plus efficace est celle des prix croissants 🙂

6 – Etape ultime : créer des segments et détecter quelle typologie de visiteur est sur le site afin de personnaliser l’offre en conséquence

Le but est de ne pas proposer la même offre à tout le monde. Si les taux de transformation sont aussi faibles sur les sites e-commerce, une des raison est liée au fait que tout le monde voit la même chose et que les contenus ne sont pas personnalisés.

La segmentation peut être simple au départ : les nouveaux / les fidèles

  • Un nouveau client doit être capté à tout prix = il faut appliquer une stratégie de prix agressive pour déclencher la 1ère commande.
  • Un client fidèle aimera trouver rapidement des nouveautés.

Le client aime être choyé, reconnu. Il aime qu’on lui propose les produits qui lui correspondent. Le site e-commerce qui y parviendra aura gagné !
Actuellement, rares sont les sites marchands qui optimisent le merchandising en fonction de la typologie de son visiteurs/client.

Comment détecter la typologie du visiteur/client ?

  • Via le cookie pour identifier si le visiteur est nouveau ou au contraire, s’il revient pour la 2ème ou 3ème fois *
  • Via la source du trafic : un visiteur en provenance d’un lien sponsorisé sur Google coûte parfois très cher et il faut le convertir rapidement. Autre exemple : on peut imaginer détecter un évènement particulier via un emailing spécifique qui incite à découvrir les nouveautés du site. Le merchandising peut ainsi être adapté sur l’ensemble de son parcours pour qu’il découvre en 1er l’ensemble des nouveautés sur les familles de produit visitées. On garde le même site et les mêmes produits mais les nouveautés sont mieux mises en avant grâce à une stratégie de merchandising spécifique.
  • Identification du client via son login / mot de passe : une fois identifié, on peut adapter le merchandising en conséquence car on sait alors qui visite le site. On peut par exemple lui proposer automatiquement les dosettes de la dernière cafetière acquise 1 semaine auparavant. Il faut alors déployer des astuces pour inciter son client à s’identifier ou l’identifier par défaut lors de sa revisite (légalement, je ne sais pas où nous en sommes en France)

* Si vous basez toute la reconnaissance client sur le cookie, c’est potentiellement dangereux car le jour approche où une loi sortira pour limiter le stockage de ce type d’information. Je pense qu’il existe déjà des limites légales en terme de durée.

Les limites : Comment éviter les dérapages ?

  • Il faut absolument informer les outils de merchandising des ventes finalisées de chaque client afin de ne plus proposer les produits déjà achetés. Exemple : ce qui m’énerve le plus chez Amazon, c’est lorsqu’ils me proposent en homepage les imprimantes que j’avais comparé alors que je viens d’en acheter une autre 🙁 . Facile à dire mais généralement délicat à mettre en place.
  • Il faut pouvoir adapter sa stratégie de merchandising en fonction de la famille de produit exposée. Si les stratégies de merchandising ne sont pas hautement paramétrables, vous risquez de pousser vos sacs aspirateurs qui sont plus margés et mieux vendus en quantité que vos aspirateurs.
  • Il faut pouvoir modérer certaines familles de produits sensibles (exemple : les sextoys)
  • Certaines familles nécessitent un travail manuel pour optimiser un merchandising plus orienté sur la séduction

En résumé, la réponse est OUI, il faut automatiser le merchandising sur les grands sites e-commerce à forte audience et forte volumétrie de produits mais garder une marge de manœuvre pour gérer l’exception manuellement. Sans automatisation, n’espérez pas augmenter durablement votre taux de conversion car vous ne parviendrez pas à adapter la bonne offre au bon client.

Et pour tous ceux qui ont réussi à lire jusqu’au bout cet article sans images sexys et qui veulent être assistés pour mettre en place un merchandising pertinent, efficace et automatisé, n’hésitez pas à me contacter ici.

10 commentaires

  • COBOLIAN

    :o)

    Voilà un bon billet pour qui voudrait se lancer dans un bon gros plugin pour un produit open source 😉

    J’avais bossé sur un algo qui automatisait le push en front. Pas facile de définir les bonnes règles. Le moteur de règle doit être bien balaise.

  • Sylvain

    En effet, nous nous étions bien cassé la tête à la Redoute pour déterminer les bons critères et pour les harmoniser. Ensuite, nous avions effectué des simulations sur Excel (exemple : 50% disponibilité / 30% taux de transfo / 20% meilleures ventes en valeur) et sur 16.000 références, le calcul était bien costaud 🙂
    Le plus difficile aura été d’automatiser … la récupération des informations en provenance de plusieurs sources (Omniture et autres outils de gestion).

  • Adrien

    Article très clair et instructif.

    Concernant les ventes finalisées, Amazon laisse la possibilité au visiteur de « corriger » les recommandations soit en supprimant des articles de l’historique de navigation/d’achat/de recherche/de rubriques consultées, soit en indiquant qu’il possède déjà le produit. Ce n’est pas la solution ultime étant donné que le visiteur ne va pas forcément faire le tri lui-même mais Amazon est le seul (ou un des seuls) à proposer ça.

  • Sylvain Duthilleul

    Merci Ludovic ! Je suis un peu full (c’est bon signe) depuis Août et ma nouvelle prise de fonction. Je prépare une série d’articles sur les test MVT suite à des cas concrets réalisés sur Decathlon.fr. Mais comme tout est secret ici, ce n’est pas certain que je puisse communiquer les résultats… A suivre.

  • Michel

    Bravo pour cet article.
    Je suis « stagiaire » pour un site marchand B to B et je suis chargé de la mise en place du Cross Selling sur un volume important de produit.
    Votre article m’a éclairé sur quelques points.
    Je vous en remercie.
    Bonne continuation.
    Adeline

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